« Le plus grand défi pour un formateur à l’ère du numérique n’est pas forcément de maîtriser la technologie, à l’heure où chaque jour de nouveaux outils numériques voient le jour, cela représenterait une éternelle fuite en avant. L’enjeu consiste à maîtriser l’art de l’effacement, à rendre l’outil discret afin de focaliser l’attention uniquement sur sa finalité essentielle : 𝐫𝐞𝐬𝐭𝐚𝐮𝐫𝐞𝐫 𝐥𝐚 𝐜𝐚𝐩𝐚𝐜𝐢𝐭𝐞́ 𝐝’𝐚𝐠𝐢𝐫. »
Témoignage de Victorien Lechaîne, lors de la Célébration mondiale de la Journée internationale de l’alphabétisation 2025 et Cérémonie de remise des Prix internationaux d’alphabétisation de l’UNESCO le 8 septembre.
« Ma mission était d’accompagner les formateurs du programme FAMILIRE porté par l’ANLCI, qui travaillent auprès de jeunes mères en situation d’illettrisme dans les territoires ultramarins français. Mon rôle était de les outiller avec une approche, la démarche DUPLEX, qui lie l’apprentissage de l’écrit et du calcul aux usages numériques du quotidien. (…)
Il ne s’agit plus d’enseigner des compétences isolées, mais de les articuler dans un parcours de résolution de problème. Pour contacter l’école, l’apprenante doit mobiliser simultanément des compétences de lecture pour comprendre l’interface, d’écriture pour formuler son message, et des compétences numériques pour manipuler l’application. Chaque étape est une victoire. Nous construisons ainsi, un pas devant l’autre, une dynamique de confiance où chaque nouvelle compétence s’appuie sur la précédente. C’est le passage d’une pédagogie de la transmission technique, instrumentale, à une pédagogie de l’action, le “pouvoir d’agir”.
Et c’est là que les formateurs ont pu observer une progression chez leurs apprenantes. Ils ont vu les appréhensions se transformer en curiosité, puis en fierté dans la réalisation de tâches perçues comme trop complexes voire irréalisables. Le « déclic » n’était pas simplement technique, il était humain. C’était le moment où une mère de famille parvient, seule, à prendre un rendez-vous médical en ligne. Ce n’est pas seulement des compétences numériques qu’elle venait d’acquérir, c’est aussi une part de son autonomie et de son émancipation qu’elle vient de reconquérir.
Bien sûr, tout n’est pas simple. Nous avons aussi observé que le numérique peut être une source d’exclusion ou renforcer un sentiment d’isolement s’il n’est pas accompagné. Mais en le guidant vers des usages utiles – pour la parentalité, les démarches administratives, le lien social, l’engagement citoyen – il est devenu un formidable levier d’émancipation. (…)
Comme a pu le dire l’une des participantes au programme avec des mots simples et forts : « Un smartphone, ce n’est pas seulement pour téléphoner, c’est un moyen d’explorer le monde. »
Notre rôle, en tant qu’enseignants-formateurs, est de leur donner les clés pour commencer cette exploration. »